Legroux Nadège
Nadège Legroux
Membre Doctorant
Géographie
Sujet de thèse : Communs et océan : protéger la biodiversité marine dans les espaces hauturiers
Alors qu'elle recouvre 43% du globe, la haute mer désignée par les juristes comme étant « au-delà de la juridiction nationale » tend à être définie en creux. Ses espaces hauturiers s'opposent aux espaces côtiers selon des critères qui peuvent varier en fonction du regard qui leur est porté : régimes juridiques de libertés, formes d'éloignement vécues par ses usagers, habitats d'espèces pélagiques migratrices. Ce bleu des cartes est le siège d'activités humaines diverses (navigation, pêche, exploration minière, entre autres) et, dans le contexte actuel de changement climatique et de pressions anthropiques sur les écosystèmes, son état écologique fait l'objet de préoccupations croissantes. Depuis plus de 15 ans, celles-ci sont discutées à l'ONU à travers les défis juridiques que pose la conservation de la biodiversité dans les zones au-delà de la juridiction nationale ; afin d'y répondre, une conférence intergouvernementale visant l'élaboration d'un accord international s'est ouverte en septembre 2018. En lien avec ce processus diplomatique, différents sites en haute mer sont rendus visibles par le plaidoyer d'organisations non-gouvernementales (ONGs) qui appellent à leur protection. C'est le cas du dôme thermal du Costa Rica, un phénomène d'upwelling océanique dans le Pacific tropical oriental qui évolue de manière saisonnière entre les eaux sous juridiction des Etats centraméricains et les eaux internationales. Nommé et décrit principalement par des océanographes étatsuniens depuis les années 1950, le dôme apparaît plus récemment comme un objet politique qui circule à travers des projets de coopération internationale, mobilisés en particulier par la Fundación MarViva présente au Costa Rica. Situé dans le champ multidisciplinaire des sciences sociales marines, ce projet de thèse s'intéresse à l'émergence politique du dôme. Il ambitionne d'explorer les interactions et problèmes d'action collective formulés autour de l'espace marin qui lui est associé. Qui participe à cette construction ? Quels sont les savoirs et les discours au sujet de celui-ci ? Quelles sont les collaborations et les polarisations qu'il cristallise ? A travers ce cas empirique, l'objectif est d'étudier comment l'extension de la conservation vers la haute mer contribue à produire de nouveaux espaces « à gouverner » et modifie les relations entre Etats, ONGs et secteurs maritimes usagers de l'espace hauturier.
Adresse professionnelle :
E-mail : nadege.legroux@gmail.com
Téléphone :
Ecole doctorale : ED 60
Directeur(s) : Rodary Estienne
Co-directeur/encadrant(s) : Leyronas Stéphanie, AFD
Les productions de Nadège Legroux
Thèse soutenue le 02/07/2024
Cette thèse questionne le narratif de Front océanique en s'intéressant à un objet géographique en cours de construction, le dôme thermique du Costa Rica. Ce narratif, particulièrement présent au cours des dernières années dans les arènes scientifiques, politiques et économiques, s'appuie sur une vision d'ouverture et de vide océaniques comme opportunité d'expansion humaine et de contrôle. Cette approche accompagne la croissance et la diversification des usages des océans depuis la fin du 20e siècle, à un moment pourtant où les impacts anthropogéniques sont sans précédents et où plusieurs limites planétaires ont été dépassées. Dans ce contexte, différents acteurs s'efforcent d'atteindre des espaces océaniques éloignés et profonds. Parmi ces espaces, le dôme thermique du Costa Rica a commencé à être décrit au milieu du 20e siècle par des océanographes lors de l'extension de pêcheries thonières dans l'océan Pacifique tropical oriental. Le Dôme qualifie un événement thermique mobile et labile, la remontée d'eaux froides riches en nutriments plus proches de la surface, circulant entre la Haute mer et les Zones économiques exclusives en majorité du Costa Rica et du Nicaragua. Ce travail explore la construction sociale de ce phénomène dans les trois principaux champs qui l'ont abordé : les sciences océanographiques, les pêcheries hauturières et le secteur de la conservation de la biodiversité. Il s'appuie sur une approche inductive et des méthodes qualitatives croisant entretiens, corpus documentaires et observations ethnographiques réalisés en partie en ligne, en France, et lors d'un travail de terrain auprès de différents secteurs maritimes au Costa Rica. Depuis son émergence en tant qu'objet social, le Dôme est resté un espace offshore, difficilement accessible et gouvernable pour des acteurs qui ont déployé diverses stratégies pour le connaître et l'utiliser. La recherche océanographique mobilise de manière grandissante la médiation technique pour déchiffrer un espace géophysique aux contours flous. Plusieurs pêcheries, en particulier des flottes industrielles de pêche lointaine, se sont approchées au plus près du Dôme. Ces rencontres ne se sont toutefois pas révélées stratégiques de manière constante et les pêcheurs continuent à le considérer comme un espace fluide aux configurations dynamiques qui servent des usages labiles. Plus récemment, le Dôme est devenu un sujet d'attention pour le secteur de la conservation de la biodiversité. Des organisations environnementales non-gouvernementales ont pris le devant pour en faire le support d'une géographie de la promesse qui propose différentes solutions de gouvernance aux enjeux de protection de la Haute mer. Pourtant, en tant qu'élément offshore, le Dôme reste à la limite du monde. Inappropriable, il invite à considérer un narratif autre que celui du Front.