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Maria Ruyssen

Méditerranée française

Membre Doctorant

Géographie

Sujet de thèse : Souveraineté et justice environnementale dans les politiques de protection forte en Méditerranée française.

Le recours aux politiques de protection forte s’inscrit dans le contexte mondial d’une crise écologique sans précédent. La communauté internationale, via la Convention sur la diversité biologique (CDB), s’est engagée à protéger 30 % des terres et des mers d’ici 2030. La France a souhaité porter au-delà ses engagements, en adoptant l’objectif de classer 10 % de son territoire en zones de « pleine naturalité », aujourd’hui définies comme des zones de protection forte (ZPF). Les ZPF imposent des restrictions strictes sur les activités humaines, assorties d’un régime de contrôle et de sanction, afin d’atteindre rapidement les objectifs de conservation. L’instauration des ZPF dans les aires marines protégées (AMP) pose la question de la conciliation de cette politique de protection stricte avec un modèle de conservation intégrée qui encourage la participation des acteurs locaux pour favoriser la justice environnementale. La France hérite et déploie un modèle d’AMP parcouru par des tensions fortes et évolutives entre conservation, naturalité et développement. La naturalité (wilderness) s’est construite au travers des projets politiques entre l’incitation à son expérience sensible pour célébrer la force du développement socle d’une civilisation, et un mythe de la primitivité au détriment des populations locales et des continuités biologiques. La conservation s’est ensuite majoritairement construite contre l’exploitation des ressources naturelles mais en reprenant les outils du pouvoir économique et de l’action publique, devenant un réel champ social institué, soutenu par l’expansion du système libéral. L’accumulation de crises provoquant un sentiment d’échec de la conservation, la conceptualisation par des réseaux internationaux d’experts et d’ONG de la conservation intégrée socle d’une justice environnementale s’est développée. L’acceptabilité et l’intégration des populations locales, par l’appropriation des mesures de gestion et l’intéressement à la création de droits et de valeurs économiques, y sont promues. L’accentuation d’inégalités sociales comme environnementales dans les AMP ou la non-atteinte de leurs objectifs de conservation conduit à un retour à des formes strictes de protection justifiées par l’état de crise. Les états de crise sont des moments particuliers de la vie politique qui permettent ou nécessitent une manifestation de la souveraineté. Dans le cadre de l’Etat libéral pensé par Foucault et Agamben, cette souveraineté est « diluée » volontairement derrière des technologies de gouvernement, qui donnent suffisamment l’illusion de s’adapter à l’individualité pour administrer finalement la masse globale du vivant et réguler la singularité. L’état d’exception révèlerait la souveraineté lorsque l’Etat est contraint de se manifester en rompant volontairement les frontières du droit et de la liberté d’évolution du vivant. La récurrence de cette manifestation pose la question de la crise comme instrument de gouvernement et donc d’une redéfinition actuelle du pacte de sécurité libéral. Ce doctorat explore ainsi les tensions entre conservation, souveraineté et justice environnementale dans un état de crise au sein d’un modèle de conservation intégrée instituée. Les ZPF constituent-elles une affirmation de la souveraineté de l’Etat légitimée par l’urgence pour rétablir sécurité et équité sur les territoires protégés ? Ou bien une négation des pratiques de gestion locale et de la capacité des AMP à créer l’appropriation territoriale qu’elles revendiquent, jusqu’à éventuellement créer des inégalités en excluant certaines catégories d’usagers et une redistribution de l’accès aux ressources de manière équitable ? En mobilisant les méthodes de la géographie environnementale, notamment grâce à l’observation participante du porteur dans la définition, la mise en œuvre et la gestion des politiques publiques maritimes en Méditerranée, ce doctorat s’appliquera aux AMP méditerranéennes.

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E-mail : maria.ruyssen@ifremer.fr

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Ecole doctorale : ED60

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