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Aurore Rimlinger

Madagascar

Membre Doctorant

Ethnoécologie, génétique

Sujet de thèse : Histoire évolutive de l’arbre fruitier Dacryodes edulis : implications pour sa conservation et sa gestion durable

Le safoutier, Dacryodes edulis, est un arbre fruitier multi-usage particulièrement important dans sa zone d’origine du bassin du Congo. Cette thèse s’intéressera à l’influence des pratiques humaines – savoirs écologiques et pratiques de sélection et de mise en culture – sur la répartition de la diversité génétique de l’espèce. La relation sera traitée aussi bien sur le temps long, à travers la reconstitution de l’histoire de sa domestication, que sur celui des transitions contemporaines à l’œuvre dans les systèmes de production d’Afrique Centrale, en particulier entre aires urbaines et rurales.

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E-mail : aurore.rimlinger@ird.fr

Téléphone :

Ecole doctorale : GAIA

Les productions de Aurore Rimlinger

Thèse soutenue le 07/05/2021

Dans les écosystèmes forestiers tropicaux, les humains utilisent depuis toujours les espèces végétales utiles, sources de nourriture, de fibre, de combustible ou de médication. Parmi ces produits forestiers, certains d’entre eux ont progressivement été mis en culture. C’est le cas du safoutier (Dacryodes edulis, Burseraceae), un arbre fruitier emblématique d’Afrique Centrale. Cette thèse aborde différents aspects de la dynamique de la diversité cultivée du safoutier via une approche interdisciplinaire alliant génétique des populations et ethnoécologie. Une première partie porte sur l’histoire évolutive du safoutier ; une seconde s’attache à caractériser les pratiques culturales et de gestion de l’espèce par différents groupes ethniques du Cameroun. Une troisième, faisant converger les approches, vise à comprendre l’influence de ces différentes pratiques sur la diversité génétique de l’espèce. Sur son aire de distribution, la diversité génétique se structure en trois principaux groupes. Le plus étendu spatialement regroupe les populations du Cameroun et du Nord-Gabon et présente aussi une sous-structuration interne. Les deux autres se situent aux marges de son aire, au Nigéria et en République Démocratique du Congo. Une barrière historique est suggérée de part et d’autre de l’équateur météorologique. Ces patrons de distribution de la diversité génétique au sein de l’espèce semblent résulter des événements de glaciation du Quaternaire plutôt que de la mise en culture de l’espèce. Enfin, le partage d’haplotypes entre D. edulis et d’autres Dacryodes laisse penser que les flux de gènes sont possibles entre espèces du genre. Une approche ethnoécologique dans différents bassins de production de safous de l’Ouest Cameroun a permis de montrer qu’une intégration plus forte au marché du safou se traduit par des pratiques de plantation plus diversifiées, et n’a pas d’effet délétère sur la diversité variétale aux champs. À cette diversité morphologique répond une importante nomenclature vernaculaire organisée surtout autour des critères morphologiques et organoleptiques du fruit, et plus étoffée chez les Béti que chez les Bamiléké et Bassa. Les cultivateurs de safous affichent des préférences différentes en fonction des usages du fruit, et une bascule s’opère vers une prédilection pour le critère de taille chez ceux destinant leur production au marché urbain. Le croisement des approches ethnoécologique et génétique a en particulier permis de mettre en valeur les effets des réseaux informels d’échanges de semences sur la diversité génétique et sa distribution. En procédant par comparaison entre sites le long de gradients à groupes ethniques dominants, les différentes dynamiques entre sites urbanisés ruraux sont soulignées. Les semences utilisées pour planter des arbres en ville proviennent en majorité d’échanges sur de longues distances, transitant ou non par des marchés. En conséquence, des niveaux de diversité identiques, voire supérieurs, sont présents dans les aires urbaines par rapport au milieu rural. Par ailleurs, les niveaux de diversité génétique comparés entre cohortes d’âges sont similaires, suggérant que les pratiques actuelles de gestion de l’espèce n’érodent pas son patrimoine génétique : ces pratiques peuvent être considérées comme durables. Ces résultats permettent de conclure qu’il existe une grande diversité de connaissances, de pratiques et d’usages autour du safoutier. De plus, les pratiques de gestion locale n’engendrent pas, à ce stade, d’effets néfastes sur sa diversité intra-spécifique. Néanmoins cette espèce emblématique, modèle stratégique pour étudier l’effet des pratiques humaines sur la diversité génétique en Afrique Centrale, soulève de nombreuses questions de recherche encore à examiner, notamment vis-à-vis de l’origine de sa mise en culture et de sa diffusion.